Kyra Williams

Kyra est née il y a 362 ans et des poussières. Mais si vous lui demandiez son âge, elle ne s'en souviendrait certainement plus. Parce qu'on perd le fil après tant d'années, vous dîtes-vous ? Il y a de ça, oui, mais aussi car depuis un certain événement, elle a désormais une mémoire très défaillante. Mais l'on reviendra sur cela après. Tout d'abord, voici le début de son histoire, dont elle ne se souvient que vaguement, pour ne pas dire pas du tout.

Elle est née sur l'île sacrée d'Isvina. L'accouchement fut très difficile pour sa mère, Chelsea qui avait une santé fragile, et elle ne s'en remit jamais complètement. Celui valut à Kyra d'être traitée froidement et avec distance par son père. Si ça la rendait triste, elle ne lui en voulait pas. Malgré son jeune âge, elle avait très vite acquis une grande maturité et l'étincelle de douleur et de détresse dans son regard avait tôt fait d'éteindre la rancune de Kyra. Même quand il se montrait méprisant ou blessant avec elle, si elle tentait de l'approcher. Et malgré ça, elle n'était pas à plaindre. Sa mère lui prodiguait tout l'amour dont elle avait besoin. Elle ne manquait de rien.

En effet, si ses parents n'étaient pas nobles, il possédait malgré tout une richesse qui n'avait rien à envier aux membres de la haute société. Cette fortune avait été gagnée à la sueur de leurs fronts. C'était l'avantage à être une race immortelle : même en partant de rien, on avait tout le temps de s'élever. Ainsi, Kyra bénéficiait de tout ce dont elle avait besoin et vivait dans un immense manoir, pour ne pas dire château, avec ses parents et des domestiques. On fournit aussi à Kyra la meilleure éducation qu'il soit. Cependant, ça l'ennuyait profondément. Pas qu'elle ne comprenait pas, elle était très mature et intelligente pour son âge, ça ne l'intéressait juste pas. De plus c'était une enfant indisciplinée et personne ne savait plus quoi faire pour canaliser son trop plein d'énergie.

Mais elle, elle savait ce qu'elle voulait. Les histoires de guerriers, de combats et d'aventures l'avaient toujours passionné. Elle voulait apprendre à se battre, elle aussi. Elle le réclama auprès de ses parents, des mois durant, sans jamais se lasser ce qui acheva de convaincre la maisonnée que ce n'était pas un simple caprice. Sa mère n'était pas forcément contre, faisant passer le bonheur de sa fille avant tout le reste, mais son père... Même s'il ne portait pas sa fille dans son coeur, il la considérait comme une membre de la famille et ne voulait pas qu'elle en ternisse la réputation. Que dirait-on d'une petite fille qui apprenait à se battre comme un homme ? Mais plus le temps passait, moins il supportait que cette dernière le lui réclame chaque matin. Et puis, si on lui enseignait un style de combat raffiné et élégant, étant donné qu'elle n'aurait jamais à se battre "pour de vrai", ça pouvait être considéré comme une forme d'art, non ? Comme un magnifique spectacle empli de grâce. Après tout, elle n'avait que douze ans, il serait facile de la modeler pour qu'elle adopte un tel style, pensait-il.

Ainsi, sous l'insistance de sa fille et de sa femme qui voulait le bonheur de son enfant, il finit par céder. Il choisit en personne le futur maître d'arme de sa fille, un phénix portant le nom de Noe. Le jour de sa première leçon, Chelsea descendit de sa chambre pour aller voir sa fille et lui souhaiter en personne de s'amuser. C'était de plus en plus rare, qu'elle se lève, à cause de sa faiblesse... Mais ce jour-là, elle y tenait pour montrer à Kyra qu'elle la soutenait dans ses choix. Elle le prouva aussi en lui offrant sa première arme. Il s'agissait d'un magnifique sabre, si fin et si léger. Le fourreau en bois noir et décoré de dorures était magnifique. Quant à la lame... encore plus. Elle était d'un noir profond, le milieu de la lame étant parcourue par un trait rouge qui jetait des reflets sanglants sur le métal noir. Ce qui l'impressionnait le plus, c'est qu'elle faisait au moins deux fois sa taille ! Elle n'était qu'une enfant mais c'était une arme d'adulte qu'elle se voyait offrir. Et encore, même lorsqu'elle aurait atteint la majorité, l'arme serait sans doute toujours plus grande qu'elle, mais c'était fait exprès.

- C'est de ce type d'arme, que ton maître t'apprendra à te servir, ma chérie, lui souffla-t-elle en lui caressant tendrement les cheveux. Bien sûr, tu ne peux pas encore manier celle-là, elle est bien trop grande, il t'en prêtera une à ta taille mais... je ne sais pas si je saurais toujours de ce monde lorsque tu achèveras ta formation, alors je te l'offre maintenant. Prends-en bien soin, d'accord ?

Ces mots faisaient mal au coeur mais elle s'efforçait d'être forte et de profiter du peu de temps qu'il lui rester auprès de sa mère. Elle s'était donc d'hocher la tête et d'enlacer sa mère avant de prendre son présent avec une immense délicatesse pour le ranger précieusement dans sa chambre. Et Shun sait que c'était rare qu'elle prenne autant soin d'un objet. Puis, elle a enfin pu aller à sa première leçon d'escrime. L'arme que Noe, son mentor lui fournit était en effet fort semblable à celle que venait de lui donner sa mère. Elle était cependant moins ouvragée et donc moins belle en plus d'être adaptée à sa taille d'enfant. Noe tenta d'enseigner à la jeune ange un style de combat délicat et élégant. Si elle sut s'y tenir pendant quelques semaines, cela ne dura pas.

En effet, dès qu'elle eut comprit le maniement de son arme, elle se mit à improviser et inventer son propre style. C'était une manière de combattre beaucoup moins gracieuse, elle était féroce malgré le peu de force qu'elle possédait encore. Elle n'hésitait pas non plus à user de ses poings ou de ses pieds. Peu lui importait l'esthétique, seul le résultat comptait. Malgré le fait qu'elle s'émancipe d'une partie des enseignements de son professeur, ce dernier ne la réprimanda pas une seule fois, allant même jusqu'à encourager ses efforts. Ce ne fut pas la même pour son père, lorsque cela remonta à ses oreilles. Il lui fit des remontrances mais cela n'avait plus aucun effet sur sa fille. Elle savait qu'il ne pourrait pas la forcer à arrêter l'escrime. Chelsea avait accepté beaucoup de choses de son mari, mais jamais elle ne le pardonnerait s'il privait sa fille de sa seule et unique passion. De plus, le comportement de son géniteur ne l'attristait plus autant qu'avant : elle avait trouvé une nouvelle figure paternelle en Noe. Et elle savait qu'il la considérait aussi comme sa fille, avec laquelle il partageait le même amour pour l'escrime.

Noe venait de plus en plus souvent dispenser des cours à la jeune ange qui grandissait à vu d'oeil. Cela lui permettait de défouler sa crainte et son appréhension par rapport à l'état de sa mère qui devait maintenant toujours rester alitée. Elle avait des infirmiers personnels pour s'occuper de sa toilette et tous ses autres besoins. L'escrime était le seul moyen qu'elle avait trouvé pour se libérer. Le pauvre Noe devait être débordé... Mais il appréciait aussi les moments passés avec son élève. Il y avait une réelle complicité entre ces deux-là, ce dernier la taquinant souvent quant à son agressivité. Parfois, une bonne partie du cours était simplement de la discussion, ils parlaient armes du sabre à l'épée en passant par la massue, stratégie...

Mais s'il y avait une conversation marquante à noter... C'était ce jour, où, avec un air grave, Noe avait expliqué à Kyra qu'un jour, elle aurait peut-être à lever son arme contre quelqu'un. Il avait bien senti qu'elle ne serait pas capable de rester enfermée ici durant toute sa longue vie. Il lui avait aussi dit qu'il ne la laisserait pas partir tant qu'elle ne serait pas capable de le battre : elle n'avait jamais réussi, à ce jour. Cependant, ce qui avait le plus marqué Kyra, c'est quand il lui dit que pour sa survie, elle devait être capable de tuer, qu'éliminer un autre être qui menaçait son existence ne ferait pas forcément d'elle quelqu'un de mauvais, même si elle devait sacrifier sa pureté. Et qu'elle ne devait jamais douter du fait qu'elle soit bonne, tant que ses actes, même meurtriers étaient pour sa survie ou dans le but de protéger des innocents. Il voulait lui enseigner à avoir un instinct de survie dépourvu de culpabilité, même si Kyra ne le comprit pas tout de suite. Puis, il lui dit aussi que pour un guerrier, son arme était sa seule alliée pour la vie, la seule qui ne pourrait jamais le trahir. Par respect pour cette pensée, Noe avait donné un nom à son propre sabre et Kyra se promit de faire de même lorsqu'elle surpasserait son mentor. Ce dernier avait aussi mentionné que le sabre qu'elle apprenait à manier depuis tant d'années n'était peut-être pas l'arme la plus adaptée à sa fougue et que si un jour elle voulait s'essayer à d'autres armes, elle n'avait pas à avoir honte.

C'est ainsi que les années se succédèrent. Jusqu'à ce qu'elle surpasse enfin son mentor. Elle avait vingt ans, ce jour-là. Elle qui aimait jouer la dure ne put retenir ses larmes. Elle avait l'impression qu'elle venait de faire son premier pas vers l'âge adulte, même si officiellement, ça avait déjà été fait depuis quelques années. Elle sauta dans les bras de son mentor, son père de coeur, celui qui lui avait tout appris. Kyra se sentait libre comme le vent. Elle sentait qu'elle pouvait quitter cette île, maintenant, si elle le voulait. Partir en exploration du continent. Mais elle ne le ferait pas pour sa mère. Cette dernière était très faible, elle pouvait très bien mourir dans deux jours, comme dans deux ans ou deux cent ans. Mais à l'échelle de la vie d'un ange, ça restait très peu. La pauvre Chelsea passait ses journées alitée et la compagnie de sa fille était un de ces derniers bonheurs. Kyra ne voulait pas l'en priver. Pourtant, ce fut ce jour-là que cette dernière choisit pour quitter le monde, ironiquement.

Kyra était tellement heureuse qu'elle était retombée en enfance et avait sautillé partout dans le but d'aller annoncer la nouvelle à sa mère. Elle lui décrivait chacun de ses cours, Chelsea ne se lassant jamais d'écouter les progrés que faisait sa fille, à défaut de pouvoir y assister de ses propres yeux. Mais ce jour-là, alors qu'elle remontait à la chambre de sa génitrice, elle vit la nuée d'infirmiers s'agitaient autour d'elle. Son père était à son chevet, aussi. Mais elle savait qu'il était trop tard. Au fond, tout le monde le savait mais il fallait essayer pour ne pas être accusé de n'avoir rien tenté. Kyra vit sa mère dépérir. Quand son coeur s'arrêta, son père se leva, il lui jet a un regard si sombre qu'elle comprit aussitôt le message : il la sommait de partir. Il avait promis à sa femme d'accepter la présence de Kyra dans la maison alors il ne disait rien mais n'en pensait pas moins. De toute manière, à peine Kyra avait-elle vu sa mère quitter ce monde que sa décision était déjà prise. Elle partait.

Aussitôt, la jeune femme s'était précipitée vers sa chambre, avait attrapé son sac le plus solide et fourré dedans des affaires au hasard, les larmes lui brouillant la vue. Elle était toujours en pantalon et chemise, du fait qu'elle ressortait d'un cours d'escrime, alors c'était parfait. Elle attrapa son précieux sabre que sa mère lui avait donné et dont elle ne s'était encore jamais servi. Il était bien trop grand pour le pendre à sa ceinture, il était encore plus grand qu'elle. Caressant le pommeau du sabre, elle se décida enfin à le nommer : Chelsea, en l'honneur de sa mère adorée. Puis, elle sortir en trombe du manoir. C'est alors qu'elle croisa la personne qu'elle voulait à tout prix éviter : Noe, son cher mentor et père de coeur. Elle savait que son départ était précipité, qu'il ne fallait pas qu'elle soit si impulsive mais... Et puis le voir lui donnait envie de tout abandonner. Elle se jeta dans ses bras, en pleurant. Il lui caressa les cheveux de manière paternelle. A sa grande surprise, il ne chercha pas à la retenir. Il voulut simplement lui remettre une carte et quelques petites babioles qui pourraient lui être utiles, mais elle refusa. Elle voulait prendre un nouveau départ. Commencer à zéro.

La petite Kyra était morte.

Quelques jours plus tard, la voilà qui était perdue au beau milieu d'Aenea. Elle explora le continent entier ainsi que l'archipel Sumeragi et les tréfonds d'Altiare à l'aide d'un chargement de bonbons qui permettaient de respirer sous l'eau. Ce qui l'intéressait le plus, dans son voyage, c'était de découvrir les armes des différentes cultures qu'elle rencontrait. Plus elles étaient atypiques, plus ça l'intriguait. Elle les essaya toutes. Elle avait beau adorer Chelsea, elle n'avait jamais ressenti l'étincelle dont lui parler Noe quand il lui disait avoir "trouvé son arme". Son sabre avait une très longue portée mais il était aussi très fin, pouvant se briser facilement si elle ne le maniait pas correctement. Ca demandait trop de concentration pour frapper, pour elle qui était plus agressive et féroce que raffinée et gracieuse. Elle tourna finalement son attention vers deux poignards, un peu plus lourds et longs que le commun des poignards, ils avaient la lame légèrement recourbée. C'était l'arme parfaite pour sauter sur le dos d'un adversaire et l'harponner de ses deux lames, par exemple. Elle adorait ses poignards qu'elle avait fait forgé par un des meilleurs forgerons d'Ayame en lui fournissant un croquis fait par sa main, s'étant inspirée des armes qu'elle avait vu durant son voyage. Elle les avait appelé Vah'Ruta et Vah'Naboris. Mais ce n'était pas encore ça, il manquait quelque chose. Les poignards n'étaient pas assez polyvalents... Ils manquaient parfois de portée. Elle s'était alors rappelé d'une arme qu'elle avait vu, elle ne savait plus où. Elle avait donc confié un nouveau croquis à son forgeron.

Quelques jours plus tard, elle venait chercher sa nouvelle arme. Il s'agissait d'une épée à double lame, un manche assez grand pour qu'elle puisse le tenir à deux mains et auquel était fixé un de ses poignards à chaque extrémité. Elle n'allait pas abandonner Vah'Ruta et Vah'Naboris comme ça, quand même ! Ils faisaient partie de sa nouvelle arme. Ils étaient fixé grâce à un mécanisme perfectionné et elle pouvait donc les retirer si besoin ou même changer de poignard. Elle se fit confectionner deux autres poignards qu'elle attachait dans son dos à l'aide de courroies, dissimulés sous son manteau noir. Ceux-là s'appelaient Vah'Medoh et Vah'Rudania. Chez elle, elle avait aussi quantité d'autres poignards qu'elle n'utilisait qu'occasionnellement mais dont elle se souvenait des noms de chacun.

Kyra vécut longtemps comme chasseuse de prime. Plus le temps passait, plus elle comprenait les enseignements de Noe. Ses armes étaient en effet ses seules alliées, les seules qui ne pouvaient pas la trahir. Elle apprit à tuer aussi, tuer sans culpabiliser, sans se dévaloriser comme l'avait voulu Noe. Tant qu'elle restait dans le droit chemin, ce qu'elle pensait être la voix de la justice. Même si au début ce fut dur. Elle se fit vite une réputation. Elle était connue comme étant une féroce mercenaire très efficace, bien qu'un peu barbare. Il faut dire qu'elle était aussi la première à se jeter dans une bagarre ou à défendre un pauvre innocent se faisant agresser tout en se moquant parfaitement "on dit que". Cependant cette vie devenait assez monotone et lassante... Elle avait déjà plus de 200 ans et la solitude devenait pesante. Elle songeait à rendre visite à son passé, mais plus rien ne l'attendait. Son père ne souhaitait probablement pas la revoir, Noe n'appartenant pas à une race immortelle devait être morte... Sa mère avait quitté le monde depuis bien longtemps et tout ce qui lui restait d'elle était ce sabre qu'elle serrait dans ses bras, chaque nuit, aussi étrange que celui puisse paraître. Elle avait aussi ses poignards adorés à portée de main mais seul Chelsea avait le droit à ce traitement de faveur, même si elle ne le maniait plus, car il lui rappelait sa mère.

Un jour, en quête de contact social, elle rejoignit les chevaliers. La formation ne fut qu'une formalité pour elle, aussi longue soit-elle. Cependant, son entrée chez les défenseurs d'Aenea fit du bruit. Elle avait déjà une réputation assez barbare bien que ne commettant techniquement aucun crime, ou du moins pas à la lumière de l'Etat, mais cela ne fit qu'empirer à son entrée chez les chevaliers. Pourtant, elle gardait la tête haute, peu importe les rumeurs qu'on proférait sur elle. Elle leur riait au nez. Pour ridiculiser ceux qui les lançait, elle allait jusqu'à faire ce que disait les rumeurs aux yeux de tous, montrant ainsi qu'elle s'en moquait. Ils ne savaient plus quoi inventer. En fait, la seule chose que Kyra pressentait dans ces rumeurs était le racisme envers son impureté. En effet, elle avait perdu sa pureté depuis longtemps et était désormais une déchue. Ce n'était pas bien vu. La tension régnait entre les impurs et les purs...

Un jour, on lança la rumeur que le maquillage qu'elle portait avant chaque combat était fait à partir de sang. En effet, elle avait observé que dans certaines tribues recluses, les guerriers se maquillaient à l'aide de pigments mélangés à de l'eau et d'autres composants permettant de rendre la mixture moins liquide. Elle avait imité cette culture et se maquillait le visage avec, toujours de la même manière, avant chaque combat ou mission, et ce même quand elle était chasseuse de prime. En entendant cette rumeur grotesque, elle avait remplacé l'eau de la mixture par du sang. Du sang d'animaux, elle n'allait pas tuer des innocents pour ça. D'animaux qu'elle tuait avant pour se nourrir, aussi. Et dont elle gardait le cuir qu'elle avait appris à travailler. Elle ne gâchait rien. La prochaine rumeur qui fut dite sur elle la choqua profondément. On racontait qu'elle buvait le sang de ses ennemis. Peut-être aurait-elle dû s'arrêter là. Mais elle ne le fit pas. Malgré le fait qu'elle ne soit pas une vampire, elle goûta réellement au sang de ceux qu'elle abattait. Son appartenance à la race angélique ne rendait cela que plus choquant.

Aucune nouvelle rumeur n'arriva, après ça. Personne au sein des chevaliers ne savait plus quoi inventer. Kyra se moquait de ce qu'on pensait d'elle, ça ne l'empêcherait pas de suivre la voie qu'elle pensait juste. Boire le sang de ses ennemis n'était pas juste, dîtes-vous ? C'était mal de ne pas respecter un cadavre ? Ce que ces "ennemis" avaient fait était bien pire. En fait, la seule chose que lui prouvait ses rumeurs c'est que les impurs étaient de plus en plus ciblés et pointés du doigt par la société. Et un jour, cela dégénéra en guerre. A ce moment-là, il n'y avait plus de chevaliers. Seulement le camp des impurs et des purs. Kyra se contentait de survivre tout en conservant ses valeurs. Elle ne tuait que pour survivre, pas pour la pureté ou l'impureté de son adversaire. Pour commencer, elle ne levait pas son arme sans raison. La féroce guerrière survécut à la guerre. Elle récolta de nombreuses nouvelles cicatrices mais peu lui importait. Elle intégra à nouveau l'ordre des chevaliers malgré les rumeurs qui lui collaient à la peau. Elle était une force non négligeable.

C'est en 4827 que sa vie bascula à nouveau et prit une tournure qui allait la changer à jamais, comme le jour du décès de sa mère. Lorsqu'elle partait en mission, il n'était pas rare qu'elle se fasse attaquer par des bêtes sauvages. Les animaux tuaient seulement pour leur survie, que ce soit pour protéger leur territoire, pour se nourrir ou pour se défendre. Cela correspondait assez à ses propres valeurs, à vrai dire. C'est pourquoi elle estimait que si elle devait tuer une bête pour sa survie à elle, le meilleur moyen d'honorer sa mort était d'utiliser tout ce qu'elle pouvait sur la carcasse, plutôt que de tout laisser pourrir. Bien sûr, ce n'était pas non plus une mauvaise chose de laisser se décomposer ce qui était inutilisable, cela servirait d'engrais aux prochaines pousses et permettrait de maintenir le cycle de la vie. Mais revenons à cette fameuse année, 4827. Sa mission consistait à escorter un des meilleurs médecins d'Aenea, c'était le dernier espoir d'un membre de la noblesse gravement malade. Sur la route, elle avait croisé le chemin d'un serpopard qui voulait absolument en découdre. Elle l'avait tué puis avait décidé de le cuisiner. Son compagnon ne voulait pas y goûter, ce qu'elle respectait. Elle avait fait attention à retirer les glandes de venin qu'elle conservait dans un bocal, au cas où elle en aurait besoin. Elle l'avait dépecé soigneusement pour garder la peau. Ce n'était la première fois qu'elle cuisinait du serpopard, depuis qu'ils étaient apparus, et pourtant... Pourtant, ce jour-là, elle fit une erreur irréparable.

Un mauvais coup de couteau pour retirer les glandes à venin et toute la viande était contaminée. Elle ne s'en rendit compte que trop tard. Lorsque son corps fut pris de violentes convulsions à cause du venin. Elle avait de la chance d'avoir à ses côtés, le meilleur médecin d'Aenea. Et aussi qu'Ayame ne soit plus qu'à quelques pas. Il put lui prodiguer les premiers secours qui lui permirent de rester en vie jusqu'à ce qu'il la transporte à Ayame. Malgré les rumeurs qui couraient sur elle, le médecin avait appris à la connaître et apprécier son caractère atypique, durant le voyage. Il mit dont tout en place pour la soigner. Elle resta dans le comas plusieurs jours avant d'enfin ouvrir les yeux. Mais elle gardait de graves séquelles de son empoisonnement. Tant et si bien qu'il la fit interner. Cependant, enfermée ainsi, il la voyait dépérir. Il était persuadé qu'à force de recherches, il pourrait trouver un remède mais... si ça continuait, elle allait mourir de tristesse avant... Il ne savait pas s'il devait la laisser partir ou la garder. Il avait en même temps tellement peur qu'elle ne sache plus s'adapter au monde extérieur. Ce fut finalement un compagnon chevalier de Kyra qui trancha. Il lui rendait souvent visite et vint un jour la "délivrer" tant elle l'avait prié de le faire. Et puis parfois, Kyra se jetait sur la porte quitte à se blesser, dans l'espoir de pouvoir s'échapper. Ce n'était plus tolérable aux yeux du chevalier. Le médecin vit bien qu'il comptait la faire sortir mais il le laissa faire. Son compagnon hésita à la faire réintégrer l'ordre, elle avait tellement changer qu'il se demandait si elle ne devait pas redécouvrir le monde d'elle-même. Mais sa nouvelle naïveté était bien trop désarmante pour qu'il la laisse errer seule dans la nature... Alors il la ramena chez les chevaliers, c'est aujourd'hui une sorte de joker. Il faut dire qu'elle est une guerrière tellement féroce malgré ses "différences".

Aujourd'hui, Kyra vit à nouveau en tant que chevalière. Elle a une naïveté qu'elle n'avait pas avant mais son corps n'a pas oublié comment combattre et elle adore toujours autant ça. De plus, si elle ne se souvient plus de son passé si ce n'est qu'elle vivait dans un grand château, elle croit, elle se rappelle du nom de chacune de ses armes, et Shun sait qu'elle en a beaucoup. C'est la seule chose qu'elle n'oublit jamais, elle qui a la mémoire si défaillante. Elle a cependant gardé beaucoup d'habitudes comme se maquiller avant chaque combat, dormir en enlaçant Chelsea...