Pour la première fois depuis longtemps, Auréliane n'avait jamais aussi bien dormi. Elle qui ne dormait habituellement que d'une oreille, prête à se réveiller au moindre bruit suspect... Elle aurait presque honte de comme son sommeil avait été lourd. Même le réveil avait été difficile. Le matelas n'était pas particulièrement confortable -le prisme n'allait pas non plus installé des lits cinq étoiles-, mais impossible de le quitter. Se tournant et se retournant sur elle-même, elle finit par remarquer que quelque chose clochait, malgré son esprit ensommeillé.
Sa longue chevelure n'était pas là pour la gêner. Et puis, il y avait autre chose. Elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus, mais quelque chose n'allait pas. Agacée et prise d'un mauvais pressentiment, elle se redressa. Se palpant le corps pour voir ce qui n'allait pas, elle se figea violemment en comprenant. Ce n'était pas son corps. Pas du tout. Ca, c'était le corps d'un homme. Prise de panique, elle se leva brusquement, à la recherche d'un miroir qu'elle finit par trouver. Ce visage... Un peu trop familier. Non seulement car mis à part la couleur des yeux, c'était exactement celui d'un des membres de l'escouade à laquelle elle appartenait, mais aussi parce que... C'était ce noble. Celui qui l'avait sauvé, allez savoir pourquoi. N'était-ce pas un hasard un peu trop étrange pour que ça en soit vraiment un ? Alors c'était ça son but depuis le début ? Mais pourquoi ? Non... Quand il s'agissait de nobles, elle s'imaginait les pires fourberies, mais il faut dire que là, elle partait loin. Elle ne comprenait décidément rien. Inspirant profondément pour se forcer au calme, elle en vint à la conclusion que pour le moment, il valait mieux qu'elle joue le jeu. Pour ne pas se faire repérer. L'avantage, c'est qu'elle savait qu'il était prêtre, et quel type de personnage il "jouait". Jouer puisque à ses yeux, il était impossible qu'un noble soit aussi charitable. C'était forcément un masque.
Soupirant, tentant d'ignorer la peur qui lui tordait le bidon ventre, elle se vêtit de la tenue de prêtre. Mon dieu ce que ce n'était pas pratique. Pas comme si elle avait le choix. Et puis ce corps... N'était pas assez entraîné. Pour elle qui passait des heures à entraîner son corps autant qu'elle le pouvait, ce n'était pas assez. Que dire de plus sur la journée ? Elle tenta de se familiariser avec les lieux et de jouer son rôle du mieux qu'elle le pouvait, même si plusieurs croyants avaient du trouver son comportement étrange, quand elle ne se rappelait plus de leur nom, par exemple. Elle n'était pas celui qu'ils croyaient, aussi... Ironiquement, il y avait cette pensée qu'elle tentait de repousser. Il ne semblait n'y avoir aucun mal dans les actions de ce prêtre. Mais elle ne pouvait pas juger en une journée. C'était un noble, il cachait juste bien son jeu. Le fait que son potager soit ouvert à tous ne changeait rien, ça ne pouvait pas être un simple élan de générosité. Son absence de racisme alors qu'il était un prêtre était suspecte aussi. Que cachait-il ?
Mais ce qui l'avait le plus tracassé, c'était Alfin. Combien de temps garderait-elle ce corps ? Ce n'était pas rare qu'elle soit absente durant un moment, mais là... Si elle ne retrouvait pas son corps d'ici peu... Et puis était-ce Pray qui avait son corps ? Ou alors... ? Elle n'en avait aucune idée. C'est seulement lorsque le soir fut venu et que les croyants partis qu'elle se permit d'aller changer de tenue pour quelque chose de plus sobre. Le mieux qu'elle trouva. Puis, elle quitta l'église et se rendit jusqu'à de petites boutiques qu'elle connaissait rapidement. Elle se couvrit bien le visage en rentrant dans l'une d'elle et en achetant un passe-partout. Voir un prêtre aussi "gentil et bon" acheter ça pourrait provoquer des rumeurs, et ce n'était pas son but. Puis, aussitôt l'achat terminé, elle prit la route vers chez elle. Ce qui devait être chez elle.
Arrivant enfin devant la porte de sa petite maison et boutique, elle se figea. Alfin avait peur des hommes, il aurait peur d'elle... Rien que d'y penser, ça lui faisait mal au coeur, mais qu'y pouvait-elle ? Elle frappa à la porte pour y annoncer son entrée avant de tourner la clé dans la serrure et de pousser doucement la porte, faisant un pas à l'intérieur.
